Violence contre les enfants / Un mal aussi vieux que l’humanité

 

 

 

Les hommes bien-pensants ne cessent de dénoncer et de condamner, dans les journaux, sur les ondes des radios et les plateaux de télévision, la violence, sous toutes ses formes, infligée aux enfants quotidiennement.

 

Par Kamel Aziouali

 

Cette gesticulation médiatique ne semble pas avoir donné de fruits puisque les enfants, partout dans le monde,  continuent de souffrir à cause des adultes. C’est qu’il n’est pas facile de venir à bout de comportement qui ont peut-être l’âge de l’humanité.

 

 

Il faut remonter aux premières croyances humaines pour retrouver les premiers actes de violence commis à l’encontre des enfants. En effet, ces premières croyances préconisaient la nécessité de communiquer avec les divinités. Ce qui n’était possible qu’avec le sacrifice d’un ou de plusieurs êtres humains qui étaient presque toujours des enfants. Pourquoi des enfants ? Tout simplement parce qu’on estimait que l’âme des enfants était pure.  Tout comme était pur et sain le sang qui coulait dans leurs veines. Au prix d’une gymnastique mentale dont il a toujours été difficile de saisir la genèse, les premiers hommes de l’histoire ont imaginé des dieux vampires qui puisaient leurs forces et leur éternité du sang des enfants. Ainsi, il s’en est trouvé des pères qui éprouvaient parfois de la satisfaction de voir leurs enfants choisis pour être sacrifiés aux « divinités ». Ils se voyaient gagnants sur deux tableaux : leurs enfants étaient auprès des « maîtres » pour lesquels ils avaient été immolés et eux n’avaient  plus d’enfants à nourrir. Des soucis en moins dans le monde sauvage de jadis. C’est un peu ce raisonnement archaïque qui préside à l’endoctrinement des kamikazes convaincus que juste après leur mort ils se retrouveraient gambadant dans les vertes prairies du Paradis.

Les vestiges de ces histoires d’enfants sacrifiées aux divinités, nous les retrouvons dans de nombreux contes populaires mais avec des modifications du point de vue de la narration. Comme pour occulter la sauvagerie qui caractérisait autrefois nos ancêtres. Très souvent, les divinités sont remplacées par de gros serpents ou des hydres à sept têtes qui empêchent d’accéder à un point d’eau. Quant à la personne sacrifiée, il s’agit souvent d’une jeune vierge.

N’est-il pas paradoxal d’affirmer que les contes s’adressent aux enfants alors que leur contenu est d’une rare violence ? Toutes les aires culturelles du monde  ont des histoires ou des enfants sont poursuivis ou enlevés par des ogres qui les enferment dans des granges où ils sont nourris à volonté pour qu’ils soient gras et susceptibles de constituer un plantureux repas pour eux.  Nous nous sommes contentés d’examiner nos contes populaires sachant que tous les récits anciens du monde regorgent d’atrocités que l’on raconte aux enfants.

Nous avons un exemple de cette situation où un monstre engraisse un enfant pour le dévorer dans un conte rapporté par Taos Amrouche. L’ogresse a capturé un gamin s’appelant Velaadjoudh. Elle l’a enfermé dans un akoufi pour qu’il mange à satiété du beurre, des figues sèches et des noix. Au bout de quelques jours, elle dit à sa fille : «  Fais sortir Velaadjoudh, égorge-le et jette-le dans la marmite après l’avoir  découpé en morceaux. N’oublie ni le sel, ni le poivre rouge, ni les épices et les aromates. » (in Le Grain magique, Histoire e velaadjoudh et de l’ogresse Tsériel, page 203-207).

Dans un autre conte algérien, c’est carrément le père qui dévore son enfant. Une mère avait mangé toute la viande que son mari avait ramenée et craignant que celui-ci, dans un excès de colère, la répudie décide de remplacer dans la marmite la viande de mouton par la chair de son fils, qu’elle égorge et  découpe en morceaux qu’elle jette dans la marmite. Le père qui ne se doutait de rien s’en est donné à cœur joie. Ce conte célèbre a été mis en chanson et son principal refrain résume toute l’histoire : « Ma mère m’a égorgée, mon père m’a mangé et ma sœur a ramassé mes os. » ( In Le Grain magique, P.107-113).

Dans un autre récit de notre pays, le père et la mère se sont concertés et ont tué leurs deux petits enfants pour les servir en guise de repas à un invité. L’histoire raconte qu’autrefois honorer un invité était un devoir si sacré que les gens ne reculaient devant rien pour l’accomplir comme il se doit. Un saint (dont l’histoire ne cite pas le nom) s’est rendu dans un village et a frappé à la première porte qu’il avait trouvée sur son chemin. Or, dans cette maison habitait un couple très pauvre qui n’avait rien à offrir. Après avoir réfléchi le couple égorgea ses deux enfants et les fit cuire. L’homme mangea jusqu’à ce qu’il soit repu. Le lendemain, quand le couple se fut réveillé, il découvrit que le Saint était déjà parti. Ils commencèrent alors à pleurer leurs deux enfants perdus. Et alors qu’ils se disaient qu’ils avaient été fous de les avoir tués, ils les virent se diriger vers eux pour les rassurer : «  Pourquoi pleurez-vous ? Nous sommes-là ! Nous ne sommes pas morts !»

Ils les serrèrent contre eux et ils virent que des colliers en or ornaient leurs gorges à l’endroit où le couteau était passé.

Pourquoi cette violence envers les enfants que l’on retrouve dans tous les contes du monde ?

La question a taraudé de nombreux spécialistes et parmi eux le psychanalyste américain Bruno Bettelheim auteur d’un livre intitulé Psychanalyse des Contes de fées. Selon lui, indépendamment du fait que certaines formes de violence traduisent en fait les violences des adultes des temps primitifs, les hommes ont toujours voulu dire aux enfants que le mal et la violence existent. Pour leur inculquer la prudence, il fallait évoquer et décrire les dangers et les atrocités qu’ils peuvent rencontrer dans leur vie. Et puis, en découvrant ce que les monstres et certains parents font subir à leurs enfants, ils prennent conscience, par comparaison, de l’ampleur de l’amour de leurs parents à leur égard. Ils ne comprennent mieux l’amour qu’en le comparant au mal qu’on leur décrit.

Autrement dit, si on est violent avec les enfants c’est parce qu’on leur veut du bien !

Certains appelleraient cela de la philosophie et d’autres de raisonnement par l’absurde.

 

K.A

 

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