Après les bouleversements économiques mondiaux et la désinformation autour des vaccins pendant la pandémie de Covid-19, une étude publiée mercredi dernier alerte sur une nette régression de la vaccination infantile contre les maladies potentiellement mortelles.
Par Ikram Haou
Selon la revue médicale britannique The Lancet, la couverture vaccinale des enfants a été analysée entre 1980 et 2023 dans 204 pays et territoires. Cette publication coïncide avec la tenue à Bruxelles de la conférence des donateurs de l’Alliance du vaccin (Gavi).
L’étude indique une recrudescence des cas d’infections graves, telles que la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la rougeole, la poliomyélite et la tuberculose, malgré un doublement de la couverture vaccinale contre ces maladies au niveau mondial sur cette même période.
Les chercheurs rappellent que le programme essentiel de vaccination de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au cours des cinq dernières années, a permis de sauver environ 154 millions de vies d’enfants.
Cependant, The Lancet signale que la vaccination contre la rougeole a diminué entre 2010 et 2019 dans près de la moitié des pays, notamment en Amérique latine et dans les Caraïbes, en dépit de l’administration d’au moins une dose de vaccin contre la rougeole, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche ou la tuberculose, cette dernière ayant nettement reculé dans la majorité des pays riches.
La pandémie de Covid-19 a accentué ces difficultés. Entre 2020 et 2023, près de 13 millions d’enfants supplémentaires n’ont reçu aucune dose de vaccin. Par ailleurs, 16,5 millions d’enfants n’ont pas bénéficié du schéma vaccinal complet contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la rougeole. Ce déficit de vaccination a touché plus durement les pays pauvres.
Parmi les 7,85 millions d’enfants non vaccinés recensés dans le monde, la majorité vit dans huit pays, principalement situés en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.
Jonathan Mosser, auteur principal de l’étude et chercheur à l’Institut américain de métrologie et d’évaluation de la santé (IHME), affirme que la vaccination systématique des enfants est l’une des interventions de santé publique les plus efficaces et rentables. Il souligne que les inégalités mondiales, la désinformation et la réticence vaccinale, exacerbées par la pandémie, constituent des obstacles majeurs.
Emily Haeuser, également chercheuse à l’IHME, mentionne d’autres facteurs aggravants : les déplacements de population dus aux conflits armés, l’instabilité politique, l’incertitude économique et les crises climatiques.
Les chiffres sont inquiétants : l’Union européenne a enregistré en 2024 près de dix fois plus de cas de rougeole qu’en 2023, tandis que les États-Unis ont dépassé le seuil des 1 000 cas confirmés en un mois, un chiffre supérieur à celui enregistré pour toute l’année précédente.
La poliomyélite, pourtant éradiquée dans de nombreuses régions grâce à la vaccination, connaît un regain au Pakistan, en Afghanistan et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ces reculs risquent de compromettre les objectifs de vaccination fixés par l’OMS à l’horizon 2030.
L’étude souligne que 90 % des cas recensés concernent des enfants et des adolescents. En conclusion, cette baisse généralisée de la vaccination, touchant en priorité les pays les plus pauvres, met en péril la santé des enfants et contraint les États à redoubler d’efforts pour endiguer cette crise.
L’OMS vise notamment à réduire en 2025 le nombre d’enfants de moins d’un an n’ayant reçu aucune dose de vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, en comparaison avec les chiffres de 2019. Pour y parvenir, seuls 18 pays ont pour l’instant bénéficié de financements, principalement de la Fondation Gates et de Gavi.
I.H