Sur les traces de la première étincelle de Novembre à Batna

    Quiconque visite Dechrat Ouled Moussa, un minuscule bourg situé sur les hauteurs de la commune d’Ichemoul, dans la wilaya de Batna, est saisi d’une sensation étrange, comme s’il entendait les pas décidés des premiers groupes de Moudjahidine s’en allant allumer la première étincelle de Novembre.

 

 

C’est dans ce petit village au relief difficile, au cœur d’une nature rude, à une dizaine de kilomètres de la ville d’Arris, que s’est tenue, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, la réunion au cours de laquelle des armes et quelques munitions furent distribuées aux premiers combattants de la liberté, sous la supervision et l’œil attentif du Martyr Mostefa Benboulaïd. C’est à partir de ce lieu, plus exactement de la demeure des frères Benchaïba, qui garde encore son côté austère et où subsiste encore une atmosphère indéfinissable, que se sont élancés à la faveur de l’obscurité, les premiers groupes de Moudjahidine qui allaient défier le colonialisme en lui déclarant une guerre sans merci pour que l’Algérie vive libre et indépendante. Pour le secrétaire de wilaya de l’Organisation nationale des Moudjahidine, El Abed Rahmani, “le repère historique d’Ouled Moussa restera un témoignage vivant de l’intelligence, de la perspicacité et de la sagesse de ceux qui ont planifié la Révolution et l’ont déclenchée malgré des moyens limités et en dépit de la puissance de feu de l’armée coloniale”. Il a ajouté que la position stratégique de Dechrat Ouled Moussa, culminant sur un plateau surplombant les localités d’Arris et d’Ichemoul, a “permis aux Moudjahidine de rejoindre la demeure des Benchaïba sans que leur passage ne soit remarqué, comme l’avait prévu Benboulaïd”. Selon le Dr Djamel Mesrahi, chercheur et spécialiste en histoire à l’université de Batna1, ce lieu historique, comparable à une citadelle imprenable, tire son importance du fait qu’il a abrité l’ultime réunion qui précéda le déclenchement de la Révolution, au cours de laquelle le Martyr Mostefa Benboulaïd a peaufiné les derniers détails et donné les dernières instructions aux chefs des groupes qui devaient frapper les cibles qui leur ont été désignées, en plusieurs zones des Aurès, le 1er novembre 1954 à zéro heure précise. Cette réunion est considérée comme “une étape décisive dans l’histoire de la glorieuse Révolution”, a souligné de son côté le Dr Mohamed-Laïd Matmour, spécialiste en histoire à la même université, rappelant que la date et l’heure du déclenchement des premières attaques contre l’ennemi, “avaient été divulguées quelques jours plus tôt au cours d’une réunion au village de Legrine, dans la maison d’Abdallah Benmessaouda, dans la commune d’Ouled Fadhel”. Une rencontre, a-t-il ajouté, tenue secrète et qui avait débouché sur la désignation des chefs de groupes et des cibles visées, en présence des responsables de la région des Aurès, parmi lesquels Adjel Adjoul, Abbas Lagrour, Chihani Bachi et Taher Ghemras, dit Nouichi. En tout, ce sont 39 groupes qui s’étaient élancés de la demeure des Benchaïba, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, comme ont pu en témoigner des Moudjahidine, aujourd’hui disparus, mais qui ont eu le temps de transmettre les faits de cette nuit bénie aux jeunes générations. L’un d’eux prononcera cette phrase, aujourd’hui passée à la postérité : “la nuit était blanche et éclairait pour les Moudjahidine, mais elle était noire pour le colonisateur”. Plusieurs Moudjahidine parmi ceux qui étaient présents à la réunion de Dechrat Ouled Moussa, avaient indiqué dans de précédents témoignages recueillis par l’APS avant leur décès (entre autres Ahmed Gada, Mohamed Bouziane, Amar Benchaïba, Djoudi Kiour et Mohamed Djermoun) que Mostefa Benboulaïd s’était assuré, à travers les fermes instructions qu’il avait données aux chefs de groupes, que quiconque venait à entrer dans la demeure des Benchaïba, ne devait en sortir sous aucun prétexte, sauf sur autorisation personnelle de Benboulaïd. Il s’agissait de s’assurer qu’aucune information sur le sujet ne soit divulguée. Le regretté Amar Benchaïba, alias Ali, qui avait miraculeusement survécu à l’accident de radio qui mit fin aux jours de Benboulaïd, a expliqué que sa demeure familiale, vaste et comprenant trois grandes cours et une vingtaine de pièces, avait constitué un endroit idéal, tant pour l’accueil d’un grand nombre de personnes (environ 400), que pour son emplacement stratégique sur une colline élevée à partir de laquelle les mouvements de l’ennemi pouvaient être surveillés. Selon le regretté Mohamed Biouche, après s’être infiltrés par petits groupes à Ouled Moussa, les combattants rassemblées dans la maison des Benchaïba, ont passé toute la journée du 30 octobre à charger des cartouches et à nettoyer leurs armes. Il avait également affirmé, dans un précédent témoignage à l’APS, que “personne, hormis les chefs de groupes, ne connaissait la date du déclenchement de la Révolution”. Il a avait également a rappelé que Benboulaïd avait précisé, au cours de cette réunion à laquelle avaient assisté, entre autres, Chihani Bachir, Adjel Adjoul, Abbas Laghrour et Mustapha Boucetta, que l’heure de la Révolution avait sonné. Les mêmes témoignages indiquent que les Moudjahidine présents, qui s’étaient dits prêts à mourir, ont fait serment de poursuivre le combat contre le colonialisme et à ne pas reculer jusqu’à la libération de l’Algérie. Selon le secrétaire de la Kasma des Moudjahidine d’Ichemoul, et membre du secrétariat de wilaya de l’Organisation nationale des Moudjahidine, à Batna, ce lieu historique attire chaque année des étudiants, des chercheurs et des professeurs d’université, de différentes régions du pays, ainsi que des touristes nationaux et étrangers, souhaitant mieux connaître cet endroit dont le nom est associé à une Révolution qui a vaincu ce qui était, alors, considéré comme la première puissance coloniale au monde. Une Révolution qui reste, 70 ans après son déclenchement, un exemple de foi, de courage, d’abnégation et de sens du sacrifice pour que vive l’Algérie.

 

RA/APS

 

 

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