La biennale d’art contemporain « Dream City », organisée du 3 au 19 octobre 2025 par l’association tunisienne L’Art Rue, a métamorphosé les ruelles et les places de la vieille médina ainsi que le centre-ville de Tunis en véritables scènes ouvertes à la création artistique contemporaine.
Par Malika Azeb
Fondée en 2007 par les frères Sofiane et Selma Ouissi, L’Art Rue œuvre à rapprocher les habitants de la médina des artistes afin de favoriser un dialogue fécond entre la vie quotidienne et l’expression artistique.
Cette édition 2025, consacrée à l’innovation et à la diversité des formes artistiques, a rendu hommage aux créateurs tunisiens et internationaux en mettant en lumière la richesse de leurs œuvres.
Parmi les installations les plus remarquées figurait « Laaroussa », une œuvre rendant hommage aux potières tunisiennes. Cette création célèbre un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération, celui de la fabrication de poupées d’argile « Laaroussa », inscrites au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.
« Il est essentiel pour Dream City d’accorder une place importante aux femmes. Sans aucune stigmatisation, nous devons ouvrir l’espace de la création à la création elle-même. Il existe tant de femmes artistes extraordinaires et précieuses. Le rôle des femmes dans la société tunisienne est dominant et ne cesse de se renforcer », a souligné Sofiane Ouissi, danseur et chorégraphe.
Une autre œuvre phare de cette édition, « The Grounding Point », a particulièrement attiré l’attention. Il s’agit d’une vaste sculpture tissée, réalisée par Sonia Kellal en collaboration avec les tisserands de Mrazigue. Cette production met en valeur l’art du fil, tout en établissant un lien symbolique entre la terre et le mouvement.
Sonia Kellal a expliqué :
« Nous avons longuement travaillé la matière, car le tissage nomade et le filage du fil sont essentiels. Nous avons utilisé du poil de chèvre, un matériau exigeant qui demande une certaine résistance. Cette relation avec le fil est très signifiante : nous le tenions, marchions, revenions. Ce va-et-vient illustre à la fois le déplacement et l’enracinement. »
Autre moment fort du festival, la chorégraphie solo « Aswat » (Voix), signée Cyrinne Douss, plonge le spectateur dans une exploration sensorielle du féminin. Le corps y devient le lieu de résonance de multiples voix – souvenirs, rituels, célébrations – oscillant entre force et vulnérabilité.
« Je voulais explorer les multiples dimensions du féminin, les voix mémorielles, ancestrales et celles qui nous traversent ou gravitent autour de nous », a précisé la chorégraphe.
La biennale Dream City 2025 a également offert une plateforme d’échanges entre artistes tunisiens et créateurs venus d’Afrique, d’Europe et de la région MENA. Ces résidences prolongées en Tunisie ont donné naissance à des œuvres imprégnées de rencontres humaines et d’expériences partagées.
Les créations étaient présentées dans divers espaces, qu’ils soient clos ou ouverts — cafés, restaurants, maisons privées, écoles, places publiques, ruelles, bibliothèques ou boutiques — transformant ainsi la ville en un immense musée à ciel ouvert.
Plus qu’un simple festival, Dream City se présente comme une invitation à redécouvrir Tunis sous un nouveau regard, celui des artistes, où chaque coin de rue devient un lieu d’expression, de mémoire et de partage.
MA