Le Théâtre National d’Alger (TNA) Mahieddine Bachetarzi a accueilli, samedi dernier, la pièce de théâtre Ech-Chabih, présentée devant un public nombreux. Écrite par Mustapha Bouri dans un arabe classique et mise en scène par Aissa Djekati, cette production originale s’inscrit dans le domaine de l’imaginaire scientifique.
Par Malika Azeb
D’une durée de 75 minutes, le spectacle met en garde contre les dangers d’une surutilisation de l’intelligence artificielle et l’invasion des robots, qui risquent de remplacer l’émotion humaine, notamment chez les enfants, souvent accros aux écrans.
L’intrigue raconte l’histoire d’un jeune scientifique qui, en se regardant dans le miroir et ne voyant pas son image, décide de créer son sosie avec l’aide de son ami, un artiste joué par Salim Boudéne. Rapidement, des disparitions et des homicides surviennent, et le créateur se retrouve impliqué dans des crimes qu’il n’a pas commis.
Cette incapacité à contrôler ses propres inventions est renforcée par les chorégraphies exécutées par les comédiens, œuvre d’Aissa Chouat, qui les représente de manière biomécanique, les faisant apparaître comme de véritables automates. Cela constitue un avertissement sur le risque d’une désertion de la rationalité scientifique face à l’intelligence humaine.
La mise en garde est d’autant plus marquée qu’à la fin du spectacle, tous les personnages, habillés en automates par Mustapha Chaib, se retrouvent vidés de toute humanité, à l’exception de l’inventeur du clone, choqué par le désastre dont il est lui-même responsable. Ses calculs n’ont pas permis de prévoir la transformation de sa création en destructeur.
Le spectacle, joué par une quinzaine de comédiens, mêle anciens et jeunes talents, tels qu’Aissa Chouat, Hadjila Khelladi, Fouzia Brahimi, Toufik Rabhi, Brahim El Khallil Chentouf, Leila Benatia et Maissa Ben Aissa, tous issus de l’Institut Supérieur des Métiers des Arts du Spectacle et de l’Audiovisuel (ISMAS). Il s’inspire des registres de théâtre réaliste, expérimental, scientifique et comique.
Cette diversité a permis aux artistes d’occuper tous les espaces de la scène, où les échanges ont été exécutés en arabe classique, un choix destiné à donner plus de crédibilité aux personnages et aux différentes situations. La scène, composée de blocs amovibles et traversée par des faisceaux lumineux futuristes, multicolores et feutrés, ainsi que de plaques électroniques et de circuits intégrés, est l’œuvre de Mohamed Laid Hallis.
Cet aménagement a été crucial pour le spectacle, suggérant des manipulations et des expériences sur l’intelligence artificielle et les technologies de pointe dans l’atmosphère glaciale et secrète des laboratoires de recherche. L’éclairage feutré ou sombre a accentué la dualité entre la manipulation scientifique, supposément logique et rationnelle, et les incertitudes des conséquences échappant à tout contrôle de la pensée humaine.
Quant au son, Zakari Bensalah a su choisir des corpus musicaux et des bruits accompagnant la gestuelle et les mouvements des personnages automates, se basant sur des nappes sonores planantes et des rythmes saccadés, reflétant l’inquiétude, la perte de contrôle et la peur du néant.
Ces divers éléments ont servi à créer l’atmosphère de la trame à travers ses différentes situations. Le public, tenu en haleine tout au long du spectacle, a longuement applaudi le metteur en scène, les comédiens et toute l’équipe technique.
M.A