Le gazoduc Transsaharien/ L’Algérie pour une concrétisation rapide et efficace du projet  

La Banque Mondiale l’avait qualifié de projet du siècle. L’étude de faisabilité terminée en 2006 confirme que le projet est techniquement et surtout économiquement faisable et rentable.  Mais, à ce jour le gazoduc transsaharien reliant le Nigéria à l’Europe à travers l’Algérie, n’arrive pas à voir le jour.  Parmi les raisons  qui n’ont pas permis son aboutissement, la concurrence farfelue marocaine qui avait proposé en 2016 au Nigéria une issue vers l’Europe à travers un gazoduc traversant  le royaume.  Un  projet  jugé inopérant  dès le départ car, plus long, plus coûteux et devant traverser plusieurs territoires, ce qui implique des droits de passage pour chaque pays ainsi que des prélèvements de gaz qui impacteront sérieusement la quantité finale reçue par le client européen.

Par Khadidja Mohamed Bouziane 

L’idée de lancer  cette infrastructure n’est pas récente, elle remonte aux années 1980, quand les deux pays   représentaient un axe stratégique en Afrique, en tant que producteurs importants de gaz, bien avant la Libye, l’Egypte et la Guinée-Equatoriale.  Un  premier accord est alors pris en 2002 entre la compagnie pétrolière Algérienne SONATRACH et  la Nigerian National Petroleum Company (NNPC), dans le cadre du NEPAD qui est un programme de coopération africain appuyé par la Banque Mondiale.  L’objectif de  cet accord vise  la réalisation du gazoduc transsaharien qui devait relier  les gisements de gaz naturel Nigérians au continent Européen, en passant  à travers le réseau Algérien. L’idée est très intéressante et  l’intérêt que présente ce gazoduc, surtout pour le Nigéria, qui  dispose d’un grand potentiel pétrolier et gazier mais, ne possédant aucun accès pour écouler sa production vers les marchés Européens, est bien réel. Mais, dans les faits,  le projet n’a toujours pas vu le jour. Il a pourtant suscité beaucoup d’enthousiasme  à ses débuts.

Il faut attendre  l’année 2009 pour que les deux parties concernées par le projet, ratifient enfin l’accord relatif au gazoduc transsaharien, à Abuja. Ce n’est pas pour autant que sa concrétisation semble être une priorité puisque les années s’écoulent et le projet reste  toujours sur papier. Sa concrétisation ne semble pas à l’ordre du jour, en raison dit-on, des risques sécuritaires que présentent certaines régions de son passage.

Le gazoduc transsaharien s’étend sur 4 128 kilomètres et dispose d’une capacité de transport annuelle de 30 millions de mètres cubes. Son point de départ se situe à Warri au Nigéria et aboutit à Hassi R’mel en Algérie, en passant par un seul pays à savoir le Niger. Sa réalisation est bien perçue par les pays Européens qui voient ainsi une diversification des ses sources d’approvisionnements en gaz et aussi une stabilisation qui lui permet de faire face sereinement aux vagues de froids durant l’hiver.

En plus de ce projet ambitieux, il était également question de la réalisation de la route transsaharienne Alger-Lagos, reliant les deux pays sur une longueur de 4800 kilomètres, dont les travaux sont pratiquement terminés et qui a nécessité, pour le tronçon Algérie une enveloppe financière de 2,6 milliards de dollars. Sans oublier la liaison, par fibre optique, Alger –Abuja.

Le Maroc joue au trouble- fêtes

En juillet 2016, à l’occasion du 27ème sommet ordinaire de l’Union Africaine, l’Algérie et le Nigéria affichent une volonté de concrétiser ce projet qui sera détenu à hauteur de 90% par la compagnie pétrolière SONATRACH et la compagnie Nigériane NNPC avec des parts de 10%. A la fin de cette même année, le Maroc entre en ligne et signe avec le gouvernement Nigérian une étude de faisabilité pour un projet d’extension du gazoduc ouest-africain déjà existant, d’une longueur de 5700 kilomètres, pour relier l’Europe. Le projet est alors lancé entre la NNPC et la partie marocaine représentée par l’office national des hydrocarbures et des mines (l’ONHYM). L’investissement est estimé à 20 milliards de dollars, selon l’étude sommaire qui est réalisée. Deux fonds souverains sont impliqués pour financer ce projet mais, dans les faits la situation s’avère beaucoup plus compliquée. Techniquement, les deux parties sont incapables de lever les fonds que nécessite la concrétisation du projet. Mobiliser cette somme  dans une conjoncture caractérisée par un quasi effondrement dans les marchés pétroliers et l’arrêt des investissements dans ce secteur précis, n’est pas une mince affaire.

Le projet marocain, inefficace

Il n’y a pas que les problèmes financiers qui empêchent la concrétisation de ce gazoduc entre le Nigéria et le Maroc. Le projet qui est en fait une extension d’un gazoduc déjà existant, reliant le Nigéria à plusieurs pays à savoir, le Bénin, le Togo et le Ghana, il est donc question de le prolonger en longeant les côtes des pays de l’Afrique de l’ouest pour atteindre le Maroc et enfin l’Europe. L’infrastructure doit traverser de nombreux pays dont le Sahara Occidental. De plus, sa rentabilité est plutôt limitée quand on sait que la capacité de transport d’un gazoduc marin ne dépasse pas 5 milliards de mètres cubes par année. Si l’on suppose qu’une quantité de 3 milliards supplémentaire est ajoutée, et si l’on tient compte que le Maroc doit prélever 1 milliard de mètres cubes pour sa propre consommation, il ne restera que 2 milliards de mètres cubes à exporter vers l’Europe. C’est une quantité dérisoire qu’aucun pays européen n’est prêt à acheter car, elle est loin de couvrir les besoins réels en cette matière. Surtout quand l’on sait que les capacités du gazoduc transsaharien  sont de 20 milliards de mètres cubes par an.

Un autre problème à mettre sur le compte des contraintes qui freinent ce projet est le fait qu’il est très proche des pays qu’il devrait traverser, le risque de voir ce gazoduc abimé par les bateaux est très grand. Ce qui ne manquera pas de se répercuter  d’une manière négative sur la régularité dans l’approvisionnement des clients.

L’autre contrainte qu’il faut souligner est la lenteur dans la réalisation de ce genre d’infrastructure. Par exemple, la première tranche du gazoduc ouest- africain, dont la longueur est de 678 kilomètres,   a exigé  ans avant de voir le jour. Combien faudrait t-il de temps pour construire un gazoduc de 3 000 kilomètres ?

Le gazoduc transsaharien, plus avantageux

Contrairement au projet du gazoduc entre le Nigéria et le Maroc, le transsaharien offre de nombreux avantages. D’abord il s’étend seulement sur 4128 kilomètres. Il est destiné à acheminer entre 20 et 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel vers les marchés Européens. Sont coût, estimé à 10 milliards de dollars,  est beaucoup plus intéressant que celui prévu avec le Maroc. Des fonds plus faciles à réunir quand l’on sait que la Banque Mondiale est favorable à ce projet. Le TSGP est d’une longueur de 4128 kilomètres dont 1037 en terres Nigérianes, 841 kilomètre sur le territoire Nigérian et enfin 2310 kilomètres sur le territoire Algérien jusqu’à la région  côtière d’El Kala, pour aller ensuite vers l’Italie en passant par la Sardaigne.  C’est dans cette perspective que l’Algérie a déjà construit le gazoduc GK 3, dont le diamètre est de 48 pouces et la longueur s’étale sur 1700 kilomètres. D’autant que cette infrastructure lui permet de d’augmenter ses capacités de transport des volumes de gaz à plus de 9 milliards de mètres cubes par an.

Après un silence qui a duré de longues années, l’Algérie réitère son grand  intérêt pour  la concrétisation rapide du projet de gazoduc  Transsaharien (TSGP). En effet, la récente déclaration du  ministre de l’énergie et des mines, Mohamed Arkab,  lors d’une récente rencontre avec une délégation Nigériane représentant l’Institut national des études politiques et stratégiques du Nigéria, remet sur le tapis un projet dont les retombées sont avérées, non seulement sur les parties prenantes mais également sur les pays de transit.

« Nous devrons œuvrer ensemble pour construire l’avenir énergétique de l’Afrique, à travers  le renforcement des relations bilatérales » a affirmé le ministre, tout en précisant que « les importantes ressources énergétiques dont disposent nos deux pays leur permettent de développer de nombreux projets d’intérêt commun. Ces projets vont contribuer à au développement du continent à travers l’amélioration de l’accès à l’énergie ».

Ce projet entre le Nigéria et l’Algérie est profitable pour les deux parties. D’abord il permettra au Nigéria d’accéder aux marchés Européens, alors que pour le moment il se contente de livrer son gaz dans le continent Africain, faute d’avoir un accès pour diversifier ses ventes. Pour l’Algérie, ce projet est intéressant car, il lui permet d’augmenter sensiblement les volumes transportés vers l’Europe. Il faut dire aussi qu’il s’inscrit en droite ligne dans la stratégie de développement de l’Algérie, en matière d’échanges énergétiques. « L’Algérie déploie d’importants efforts pour assurer un meilleur développement des échanges énergétiques à l’échelle continentale, notre stratégie accorde une place privilégiée à l’énergie en tant que levier de l’intégration régionale », soutient le ministre de l’énergie et des mines.

K.M.B

 

 

 

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Next Post

La recommandation du ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, Abdelhamid Hemdani/   Les secrétaires généraux des chambres d’agriculture doivent assumer leur rôle d'accompagnateurs  

jeu Sep 9 , 2021
Le ministre d’Agriculture et du Développement Rural, Abdelhamid Hemdani, a exhorté, jeudi à Alger, les secrétaires généraux des chambres d’agriculture de toutes les wilayas à assumer pleinement leur rôle en tant qu’accompagnateurs effectifs des agriculteurs et des éleveurs afin de concrétiser la feuille de route sectorielle 2020-2024 tracée par son […]

ENTRE NOUS

Quotidien national d’information

Edité par EURL Rocher du Faucon

Directeur de Publication: Nasser MOUZAOUI

Adresse: Maison de la presse, 1, rue Bachir Attar, Place du 1er Mai, Alger-Algérie.

E.MAIL: entrenousdz2020@gmail.com