Nous commémorons aujourd’hui, 23 octobre, l’anniversaire de la dernière réunion du groupe des Six historiques, gigantesques artisans de la Révolution du 1er Novembre 1954. Cette rencontre historique est décisive, car elle a permis de fixer la date, les modalités et la stratégie globale du déclenchement de la guerre de libération nationale.
Par Ikram Haou
Ce jour-là, le 23 octobre 1954, les six dirigeants révolutionnaires tinrent leur ultime réunion secrète à Raïs Hamidou, à Alger. Y participaient Mohamed Boudiaf, Didouche Mourad, Mustapha Ben Boulaïd, Rabah Bitat, Larbi Ben M’hidi et Krim Belkacem. Sous leur direction, cette rencontre minutieusement préparée marqua un tournant décisif dans l’histoire de la plus grande Révolution du 20e siècle. Le groupe arrêta alors la décision du déclenchement de la Révolution et finalisa les derniers préparatifs, notamment la poursuite de l’entraînement militaire et la rédaction d’un tract annonçant officiellement la lutte armée, en précisant ses objectifs et ses moyens.
C’est au cours de cette réunion que la date exacte du déclenchement de la guerre fut fixée : dans la nuit du dimanche 31 octobre au lundi 1er novembre 1954, à minuit. Un mot de passe fut également convenu pour cette nuit historique : « Khaled » et « Okba ». Le groupe décida par ailleurs de donner un nom officiel à la nouvelle organisation révolutionnaire : le Front de libération nationale (FLN), accompagné de son bras armé, l’Armée de libération nationale (ALN).
Les six responsables décidèrent également d’entrer en contact avec les anciens membres de l’Organisation spéciale (OS) afin de les informer de la préparation du soulèvement et de les mobiliser au moment convenu.
Sur le plan matériel, les participants entreprirent de recenser les armes encore disponibles et de récupérer celles dissimulées dans les caches de l’OS. Ils établirent une carte militaire, des listes de besoins logistiques, et identifièrent plusieurs cibles prioritaires, notamment les centres de sécurité du régime colonial.
Sur le plan organisationnel, le groupe insista sur la nécessité d’adopter une structure décentralisée dans la gestion des affaires révolutionnaires. Chaque région devait disposer d’une autonomie de décision afin de pallier les difficultés de communication et la dispersion géographique du mouvement. La priorité fut accordée à l’action intérieure, considérée comme le véritable moteur de la Révolution, tandis que les efforts extérieurs devaient venir en appui.
Cette approche, à la fois lucide et prospective, traduisait la clairvoyance politique et stratégique du groupe des Six. Pour renforcer cette organisation, l’Algérie fut alors divisée en six régions militaires, chacune placée sous la responsabilité d’un chef et de son adjoint :
- Première région (Aurès) : Mustapha Ben Boulaïd, assisté de Bachir Chihani.
- Deuxième région (Nord-Constantinois) : Didouche Mourad, assisté de Youssef Zighoud.
- Troisième région (Kabylie) : Krim Belkacem, assisté d’Amar Ouamrane.
- Quatrième région (Centre) : Rabah Bitat, assisté de Souidani Boudjemaa.
- Cinquième région (Ouest) : Larbi Ben M’hidi, assisté d’Abdelhafid Boussouf.
- Sixième région (Sahara) : en cours de structuration à cette époque.
Un coordinateur fut désigné pour assurer la liaison entre les régions et entre l’intérieur et l’extérieur du pays. Cette mission revint à Mohamed Boudiaf, chargé de rejoindre la délégation extérieure en Égypte afin de lui transmettre les décisions et les orientations adoptées par le groupe.
La réunion du 23 octobre 1954 demeure un moment fondateur de l’histoire nationale. Elle incarne la rigueur de la planification tactique et stratégique qui permit à la Révolution du 1er Novembre de naître dans l’unité, la discipline et la détermination. Grâce à la clairvoyance et au courage du groupe des Six, l’Algérie entra, cette nuit-là, dans l’incroyable épopée de sa libération.
I.H
