Génocide du 8 mai 1945 / 80 ans après, les blessures sont toujours là et la mémoire intacte, transmise de génération en génération

 

 

  À l’occasion du 80ᵉ anniversaire des massacres du 8 mai 1945, qualifiés de crimes contre l’humanité perpétrés par le colonialisme français en Algérie, un forum a été organisé par le journal El Moudjahid en collaboration avec l’Association Machaal Echahid. Bien que les témoins de cette période sombre disparaissent peu à peu, la mémoire de ces événements reste vivante, soigneusement conservée dans les archives et la conscience collective.

 

Par Ikram Haou

 

Cet événement a donné lieu à deux conférences principales. La première a été animée par M. Souilah Boudjemaa, professeur d’histoire, parlementaire et membre fondateur de l’Association du 8 mai 1945. La seconde intervention a été assurée par le Dr Kamal Ben Yaïche.

En ouverture, le directeur général d’El Moudjahid, M. Ibrahim Takhroubt, a rappelé le caractère fondateur de cette date tragique, qu’il a qualifiée de tournant décisif dans l’histoire du mouvement national algérien. Il a expliqué que ces massacres ne sont pas un fait isolé, mais l’aboutissement d’un long processus politique amorcé dès les années 1920, lui-même influencé par les grands bouleversements mondiaux, notamment la révolution bolchevique de 1917. Selon lui, « le 8 mai 1945 est une fracture historique qui marque la fin des illusions réformistes et le début d’une lutte de libération sans compromis ». Il a dénoncé les tentatives de certains cercles politiques français de nier la réalité de ces manifestations pacifiques, qui ont été brutalement réprimées, causant la mort de plus de 45 000 Algériens. Il a affirmé que ces faits, documentés et reconnus selon les critères internationaux, relèvent du génocide.

Le professeur Kamal Ben Yaïche a, quant à lui, replacé les massacres dans un contexte plus large, évoquant un complot ourdi dès 1944. Il a rappelé qu’en août de cette année-là, avant son retour à Paris, le général de Gaulle avait ordonné de renforcer la pression sur l’Afrique du Nord. Une série de manœuvres militaires furent alors entreprises : d’abord à Cherchell en février 1945, puis à Biskra, et enfin en Kabylie, notamment à Tizi Ouzou, les 4 et 5 mai. Ces actions préparaient le terrain à la répression sanglante du 8 mai.

Dr Ben Yaïche a souligné que les manifestations de ce jour-là répondaient à une aspiration populaire : celle d’une reconnaissance nationale, avec un drapeau, une assemblée et une langue officielle, en l’occurrence l’arabe. Ces revendications, portées dès mars 1945, ont déclenché la colère du pouvoir colonial, incapable d’accepter une telle affirmation d’identité. Il a aussi évoqué les massacres du 1er mai à Alger et Oran, passés sous silence, et l’usage massif de moyens militaires, notamment les bombardements aériens ayant ravagé de nombreux villages dans la région de Sétif, cœur battant du nationalisme algérien.

M. Ben Yaïche a fermement précisé que le soulèvement armé n’avait pas encore commencé à cette époque et que le véritable début de la lutte armée fut celui du 1er novembre 1954.

Pour sa part, M. Souilah Boudjemaa a insisté sur la nécessité de ne pas oublier le passé colonial, rappelant que la colonisation française, dès son arrivée, s’est accompagnée de violences systématiques et de crimes de masse. Il a affirmé que les massacres du 8 mai 1945 démontrent clairement que la question algérienne a toujours été une affaire de mobilisation populaire continue, culminant avec la Déclaration du 1er Novembre. Il a ajouté que ces événements doivent être compris dans leur globalité, en les reliant aux faits historiques qui les précèdent et les suivent, soulignant ainsi l’importance de l’éducation et des forums pour transmettre une mémoire fidèle aux générations futures.

Dans sa conclusion, M. Takheroubt a cité un dicton révélateur : « Vous venez trop tard, tout a été dit… — Vous venez trop tôt, rien n’a été dit », illustrant le fait que, malgré le temps passé, la vérité sur les massacres du 8 mai reste encore à affirmer pleinement. Il a insisté sur le fait que la reconnaissance et la réparation de ces crimes ne relèvent pas uniquement de la justice historique, mais qu’elles sont indispensables pour bâtir un avenir fondé sur la vérité et le respect mutuel.

Le forum a également été marqué par la présence de nombreux moudjahidines et responsables, et s’est conclu par l’attribution de certificats d’honneur aux deux conférenciers. Un appel solennel a été adressé au Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, pour la création d’un Conseil supérieur de la mémoire, chargé de préserver l’histoire nationale et de servir d’organe consultatif permanent.

 

I.H

 

 

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